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Diversité et non discrimination

Burn-in et burn-out

 

Le burn-in et le burn-out

 

 Article publié par  Evelyne Josse, psychologue et psychothérapeute (hypnose, thérapie brève, EMDR, EFT), superviseur de psychothérapeutes, consultante en psychologie humanitaire, www.resilience-psy.com, 2008

 

Par le lien suivant, vous pouvez accéder au test diagnostic de Maslach :  Test de Maslach

 

  Introduction

 

     Depuis longtemps, les effets néfastes du travail sur la santé sont l’objet de réflexion, mais il faudra attendre la deuxième moitié du 20ème siècle pour qu'ils deviennent une réelle préoccupation. Le phénomène connaîtra son véritable essor dans les années ’70. Cliniciens et chercheurs se penchent alors sur le syndrome d’épuisement professionnel et l’érigent en entité clinique. L’intérêt pour ce phénomène émerge soudainement et se manifeste simultanément sur plusieurs continents. Aux États-Unis, Freudenberger, le premier à le décrire, le nomme « burn-out ». Ce terme se répand et devient rapidement populaire tant en Amérique qu’en Europe. Depuis peu, on distingue une phase préliminaire au syndrome de burn-out : le burn-in. 

 

     Parallèlement, au Japon, en 1969, le décès subit d’un employé de 29 ans au sein de son service attire l’attention sur les méfaits de la surcharge de travail. L’incapacité professionnelle et la mort brutale de cadres et d’employés de bureau suite aux accidents cardio-vasculaires imputables à une charge de travail excessive ou à un stress important suscitent depuis un intérêt croissant. En 1982, trois médecins, Hosokawa, Tajiri et Uehata, donnent une description détaillée de ce syndrome qu'ils nomment le « Karoshi » (Mot composé de Karo, mort et de Shi, fatigue au travail).

 

     Le burn-in et le burn-out découlent de l’épuisement des mécanismes d’adaptation au stress subi dans le cadre du travail. Cet épuisement affecte généralement les professionnels impliqués dans des relations interpersonnelles (notamment, dans les relations d’aide), les cadres qui assument la responsabilité de ressources humaines et les personnes qui poursuivent des objectifs difficiles à atteindre. (On parle aussi de « maladie du battant » ou « winner disease »).  

  

  Le burn-in 

 

     En langue anglaise, dans le domaine de l’art, « burn-in » signifie surexposer des parties de clichés photographiques. En informatique, ce terme désigne le processus visant à tester, avant leur mise en service, la résistance des éléments informatiques sous une tension et une température supérieures à la normale.   

     Le burn-in constitue la première phase de l’épuisement professionnel et précède l’étape ultime, le burn-out. Il se manifeste principalement par du « présentéisme » (en anglais, presenteeism). Ce terme est apparu en 1994 et est attribué au psychologue Cary Cooper, alors professeur du département « organizational management » de la Manchester University. « Présentéisme » s’oppose à « absentéisme » et désigne une présence abusive sur le lieu de travail menant à un état pathologique de surmenage.   

    Le travailleur en burn-in est à son poste malgré des problèmes de santé physique ou mentale qui devraient l’en tenir à l’écart (rhume, grippe, allergies, dépression, asthénie, arthrite rhumatoïde, dorsalgies, céphalées, troubles gastro-intestinaux, hypertension, difficultés majeures dans la vie privée, etc.). Il est physiquement présent mais démotivé, fatigué, peu productif et souffre de somatisations diverses.    

     

     La précarité (crainte de perdre son emploi et/ou sa source de revenu), la surcharge de travail, le besoin d’être reconnu par ses collègues ou ses supérieurs ainsi que la culture d’entreprise valorisant à outrance la performance, la résistance au stress, l’endurance et le courage, etc. sont au nombre des facteurs qui induisent le phénomène.  

 

 En savoir plus : Le Burn-In 

 

     Le mot « burn-out » vient de l’anglais « to burn out » qui signifie « se consumer » (par exemple, à la forme passive, to be burn out, être détruit par le feu), brûler jusqu’au bout (pour une bougie), s’éteindre, claquer, griller (pour une lampe). Ce terme est également utilisé en aéronautique pour décrire la situation d’une fusée dont l’épuisement du carburant entraîne la surchauffe et le risque de destruction de l’engin.

 

     C’est en 1969 que Loretta Bradley, professeur et coordonnatrice des conseillers d’éducation de l’Université Technique du Texas, désigne pour la première fois le stress professionnel par le terme de burn-out.

 

     En 1974, Herbert J. Freudenberger, un psychothérapeute et psychiatre américain, fait une description détaillée de ce phénomène. Il est alors directeur d’une Free Clinic à New York fréquentée par des patients toxicomanes. Il observe de manière récurrente qu’après environ un an d’activité, nombre de ses collaborateurs sont démotivés, se plaignent de somatisations (fatigue, dorsalgies, céphalées, troubles gastro-intestinaux, rhume, etc.), manifestent des troubles de l’humeur (irritation, colère, repli sur soi, etc.), deviennent intolérants au stress et sont incapables de gérer de nouvelles situations.

 

     Il attribue ces symptômes au fait que les soignants fortement impliqués s’épuisent à force de voir leur aide invalidée par des patients difficiles, l’énergie qu’ils déploient ne donnant pas les effets thérapeutiques souhaités. Les travailleurs finissent par être insatisfaits ou douter de la valeur de leur travail parce qu’ils mesurent les résultats obtenus en fonction d’une norme idéale ou avec ceux qu’ils désirent réellement obtenir. Ils se plaignent d’une fatigue continue et d’épuisement mental, se sentent démotivés et incompétents, aspirent à s’échapper de cette situation professionnelle insatisfaisante, se montrent irritables et souffrent de troubles psychosomatiques. Freudenberger dit que « Les gens sont parfois victimes d’incendie comme le sont les immeubles ».

 

     Il définit le burn-out comme « un état de fatigue ou de frustration résultant du dévouement à une cause, à un mode de vie ou à une relation qui n’a pas donné les bénéfices escomptés » (1981). Il attribue principalement ce phénomène à des aspects personnels. Les individus animés par un idéal élevé («vocation», désir de réussite, etc.), dynamiques, dotés d’une compétence de haut niveau, corrélant l’estime de soi à leurs performances professionnelles et dont les centres d’intérêt se limitent au travail sont davantage à risque de développer un tel syndrome.

 

     Au début des années ’80, Christina Maslach, une chercheuse en psychologie sociale, apporte sa contribution à la formalisation du concept de burn-out. Elle entame une recherche sur les professionnels du monde médical et de la santé mentale et l’élargit ensuite aux avocats et à d’autres professions. Elle constate que le phénomène est répandu chez les individus investis dans des relations interpersonnelles, toutes catégories professionnelles confondues. Elle définit le burn-out comme « un syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accomplissement personnel qui apparaît chez les individus impliqués professionnellement auprès d’autrui »

 

     Freudenberger souligne les facteurs personnels favorisant l’apparition d’un burn-out tandis que Maslach les attribue principalement à l’environnement professionnel et aux conditions de travail (charge de travail, absence de contrôle, insuffisance de reconnaissance, difficulté relationnelle, traitement inéquitable des travailleurs, inadéquation entre les valeurs personnelles et l’employeur). En 1981, elle établit les MBI ou Maslach Burn-out Inventory, un test permettant de mesurer l’épuisement professionnel.

 

   Essai de définition 

 

      Les définitions du burn-out sont multiples. En 1982, la première revue de la littérature consacrée à ce phénomène (études sur enseignants, éducateurs, professionnels d’aide et de santé) répertorie 48 définitions

 

Rappelons la définition donnée par Freudenberger : « Un état de fatigue ou de frustration résultant du dévouement à une cause, à un mode de vie ou à une relation qui n’a pas donné les bénéfices escomptés »  

et celle de Maslach : « Un syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accomplissement personnel qui apparaît chez les individus impliqués professionnellement auprès d’autrui »  

Nous en tirons la définition générale suivante : « Un état d’épuisement (mental, émotionnel et physique) dans lequel les mécanismes d’adaptation se consument sous l’effet de tensions subies dans le cadre du travail »

 

   Les 3 dimensions du burn-out

 

   Selon le modèle tridimensionnel de Christina Maslach et de Susan Jackson, les dimensions du burn-out sont :

 

1.      L’épuisement professionnel. L’épuisement se manifeste par une perte d’énergie, de l’asthénie, un épuisement mental, de la démotivation, de la frustration, etc.

 

2.      La dépersonnalisation. C’est la dimension interpersonnelle du burn-out. Elle se marque par une perte d’empathie à l’égard d’autrui : attitude négative vis-à-vis des patients et/ou des collègues (impatience, irritabilité, culpabilisation, pathologisation, moralisation, cynisme, réification (transformation d'une abstraction en objet concret), minimisation des difficultés vécues par les patients, etc.), détachement, froideur et sécheresse émotionnelle, syndrome de John Wayne (professionnel capable d’affronter toutes les difficultés, gérant seul ses problèmes, impassible, ne manifestant pas ses émotions et invulnérable à celles des autres), etc. La dépersonnalisation se traduit également par de la méfiance et du pessimisme. Dans les cas les plus sévères, elle peut mener à la déshumanisation de la relation à l’autre (agression contre la dignité et l’intégrité physique, psychologique et sociale des individus, rejet, maltraitance, cruauté, etc.).

 

3.      La diminution de l’accomplissement personnel (modifiée ultérieurement en « efficacité professionnelle » par Michael Leiter et Christina Maslach). C’est la dimension d’auto-évaluation du syndrome. Elle se traduit par la dévalorisation du travail lui-même (le travail est inintéressant, inutile, inefficace à changer le problème de fond, etc.), par un doute quant à sa valeur professionnelle, un sentiment d’incompétence, de l’auto-dévalorisation, une déflation de l’estime de soi, des sentiments de culpabilité, etc. Dans un premier temps, le stress provoque soit une diminution de l’accomplissement personnel, soit l’épuisement émotionnel, qui à son tour entraîne la dépersonnalisation pour aboutir à la réduction de l’accomplissement personnel.

 

   Les stades du burn-out

 

     Le processus conduisant au burn-out est relativement lent et insidieux. Il évolue par étapes successives, à savoir l’enthousiasme, la stagnation, la frustration, l’apathie et finalement, le désespoir.

 

·        L’enthousiasme. C’est la phase de lune de miel. Le professionnel nourrit des espoirs et des attentes irréalistes par rapport à son travail. Il est enthousiaste, manifeste une motivation excessive et fait montre d’une énergie débordante. Il se surinvestit, travaille de longues heures six ou sept jours par semaine, rapporte à son domicile des tâches qu’il exécute au détriment de son temps libre. Il s’identifie aux victimes qu’il aide, ce qui le conduit à confondre ses besoins avec les leurs. Complètement acquis à sa cause professionnelle, il néglige sa vie privée et ses besoins personnels.

 

·        La stagnation. Le travailleur réalise, peu à peu ou brutalement, que le travail ne comble pas tous ses besoins. Il désire, par exemple, disposer davantage de temps pour profiter de sa famille et de ses amis, s’adonner à un loisir, recevoir une rémunération à la hauteur de son investissement, etc. La satisfaction qu’il éprouve à travailler diminue graduellement et les premiers symptômes de fatigue apparaissent.

 

·         La frustration. Le professionnel prend conscience qu’il est frustré par son incapacité à changer le système (bureaucratie, manque ou excès de responsabilités, insuffisance de latitude décisionnelle, etc.), à délivrer les patients de leurs difficultés, à les soulager de leur souffrance, à les convaincre de poursuivre un traitement, etc. La fatigue, l’insatisfaction, la mauvaise humeur deviennent chroniques. Le travailleur devient irritable, se replie sur lui-même, doute de sa compétence, éprouve un sentiment d’échec personnel, se plaint de troubles somatiques divers. Certains quittent leur emploi ; d’autres luttent pour améliorer leur situation (revendication auprès de supérieurs, demandes d’aide telles que formation, soutien d’équipe, audit, etc.) ; d’autres encore glissent dans l’apathie.

 

·       L’apathie. Le professionnel se désintéresse de plus en plus de son travail et se détache émotionnellement de ses patients. Il se protège en évitant les conflits et les défis et en fournissant le moins d’efforts possibles. Il ne se préoccupe plus que de sa propre santé physique et mentale. Certaines personnes démissionnent tandis que d’autres s’accrochent à leur emploi, généralement parce qu’il est bien rémunéré ou parce qu’il leur assure une sécurité financière immédiate ou ultérieure (par exemple, personne en fin de carrière prétendant à une pension de retraite complète). Cette période d’apathie peut se prolonger durablement.

 

·        Le désespoir. Le désespoir est la phase ultime du burn-out. Le professionnel perd tout espoir de voir la situation évoluer positivement et perd confiance en l’avenir. Certains  abandonnent leur métier tandis que d’autres se comportent comme s’ils contrôlaient parfaitement la situation et comme si tout allait bien.

 

Le processus de récupération d’un burn-out est lent. Mieux vaut donc prévenir que guérir !    

 

  Les facteurs favorisant le burn-out

 

Les situations favorisant le burn-out sont notamment celles où la personne :

 

1.   est fortement sollicitée mentalement, émotionnellement et affectivement. 

2.    assume des responsabilités liées au management et aux ressources humaines.

3.   est confrontée à des objectifs irréalistes et à un déséquilibre entre les besoins de ses tâches professionnelles et les moyens dont elle dispose pour les réaliser tant d’un point de vue personnel (manque de ressources personnelles telle qu’une bonne estime de soi, un sentiment d’efficacité et de maîtrise, résistance au stress, etc.) qu’organisationnel (surcharge de travail, latitude décisionnelle insuffisante, absence d’encadrement, formation insuffisante, budget insuffisant, etc.).

4.     perçoit une ambiguïté et/ou un conflit entre son rôle et celui d’un collègue.

5.  rencontre une difficulté à communiquer avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques (par exemple, dans des équipes fortement hiérarchisées).

6.      éprouve le sentiment de manque de contrôle sur son environnement de travail.

7.   perçoit le travail qu’elle accomplit comme incohérent, inefficace ou inutile. Par exemple, un intervenant auprès des femmes victimes de violences conjugales peut, dans certains pays, penser que le problème devrait être réglé à un autre niveau que le sien, à savoir le niveau macro social (modification des lois nationales discriminatoires à l’égard des femmes et attentatoires des droits humains).

8.      constate un décalage entre ses aspirations, ses attentes, ses intentions, ses efforts, ses idéaux et les résultats réellement obtenus.

9.       reçoit peu de soutien et/ou d’encadrement de la part de sa hiérarchie.

10.   est surchargée de travail.

11.   perçoit une rémunération insuffisante (réelle ou symbolique).

12. baigne dans une culture d’entreprise valorisant à outrance la performance, la résistance au stress, l’endurance et le courage. 

   

     Si la résistance et la réaction au burn-out sont tributaires de facteurs individuels, il serait néanmoins erroné de faire porter le problème uniquement sur la personne. L’épuisement professionnel est aussi directement lié à des contraintes politiques et/ou organisationnelles et/ou institutionnelles. 

 

     Le burn-out est aujourd’hui perçu comme le résultat d’interactions complexes multifactorielles, additionnelles et interactives entre un individu et son environnement, l’un et l’autre s’influençant mutuellement et continuellement.

 

Evelyne Josse

 

 

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