Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Diversité et non discrimination

Etudes sur les stéréotypes dans les manuels scolaires au Luxembourg et en France

blog de www.gendd.over-blog.com (accueil)

 

Dans le cadre du programme européen Progress, le service Recherche et Développement de la Caritas a publié une analyse des stéréotypes et des préjugés dans les manuels scolaires (N°108 juillet 2011).

 

Etude concernant le Luxembourg.

Propos recueillis sur le sujet par Kristel Pairoux sous forme de questions-réponses.

Lien en rapport :  

. Critères de discrimination : convictionnels, de santé et d'état (6 au Luxembourg / Belgique et 18+1 en France)

 

Question. Pouvez-vous nous présenter le service Recherche et Développement ?

Réponse Caritas. Nathalie Georges, coordinatrice de l’étude : Le R&D a été créé en 2005 suite au constat qu’à la Caritas, nous faisions beaucoup de travail de terrain et que manquions un peu de recul concernant les analyses. En partant de nos expériences de terrain, le service développe des études ou des projets pilotes.

 

Question. Autour de quels thèmes travaille le service R&D ?

R. Nous travaillons autour de deux axes. Le premier s’intitule famille et société et le deuxième économie et solidarité. Dans le cadre de ce deuxième axe, nous travaillons sur une campagne de sensibilisation contre les discriminations. Depuis2007, année européenne de l’égalité des chances pour tous, nous développons des projets sur les thèmes de la diversité et des discriminations.

 

Question. Qu’est-ce qu’une discrimination ?

R.  C’est lorsqu’on fait une différence de traitement entre deux personnes selon un critère arbitraire. Ces critères, au Luxembourg, sont l’âge, l’origine «ethnique», l’orientation sexuelle, le genre, le handicap, la religion. La discrimination est liée aux stéréotypes et aux préjugés, c’est ce qu’on appelle la chaîne de la discrimination : un stéréotype amène un préjugé, qui aboutit à une discrimination. Le stéréotype est une généralisation : les Suédois sont blonds. Il n’y a pas de jugement de  valeur. Le préjugé vient ensuite. Il y a un jugement par rapport à la généralisation qu’on a fait au départ : tous les Suédois sont blonds. Les blondes sont idiotes. Les Suédoises sont donc idiotes. Cet exemple grossit le trait, mais c’est selon ce principe qu’on arrive à la discrimination.

 

Q. D’où l’importance d’étudier si les manuels scolaires ne véhiculent pas de stéréotypes…

R. Oui, les stéréotypes viennent de l’éducation, de la socialisation. La socialisation passe également par la famille, les médias, l’entourage. Si l’enfant reste dans un microcosme, l’école est d’autant plus importante qu’elle est la première ouverture au monde. Les manuels scolaires sont les premiers livres que les enfants ont dans les mains et ils y apprennent beaucoup. Le plus souvent ces manuels ne sont pas signés, ils sont considérés comme les dictionnaires, presque sacralisés. Il est donc essentiel qu’ils ne comportent pas de stéréotypes.

 

Q. Quels manuels avez-vous étudié pour cette analyse et avec quelle méthodologie ?

R. Nous nous sommes penchés sur les manuels d’apprentissage du français, de la deuxième à la sixième année primaire. Nous nous sommes servis de grilles d’analyse standard que l’Unesco a élaboré, tant pour traiter des textes que des images. Nous avons d’abord fait un travail de dénombrement : on a compté le nombre de femmes, d’hommes, de personnes âgées,… sur la base des six critères de discrimination. Ensuite, nous nous sommes intéressés au rôle attribué à chacun. Pour cela, les images sont plus claires, pour par exemple définir une origine.

 

Q. Quelles ont été vos premières constatations ?

R. Lorsque nous avons feuilleté les manuels en les recevant, nous nous sommes dit qu’ils étaient bien faits : on voyait des hommes à la cuisine, des seniors au travail,… Mais très vite, nous avons découvert que sur les 3802 personnages recensés, les hommes étaient surreprésentés. Le pourcentage de femmes ne cesse de diminuer au fur et à mesure de l’apprentissage : pour le manuel de 5e année, les personnages féminins ne représentent plus que 20%.

 

Q. Cela a une implication dans les représentations du monde que se font les enfants ?

R. Oui, les filles ont du mal à s’identifier et les garçons ne se représentent pas les femmes non plus  puisqu’elles ne sont pas présentes. C’est problématique, d’autant plus que les références aux personnages célèbres dans les manuels, personnages qui apportent quelque chose au patrimoine culturel de la langue française sont encore plus contrastées : il y a 88% d’hommes.

 

Q. D’autres écarts sont encore plus représentatifs…

R. Seuls 2% de seniors sont représentés dans l’ensemble des manuels, alors qu’ils sont de plus en plus nombreux dans la société. Concernant « l’origine ethnique », les types européens sont clairement surreprésentés. Il n’y a pas de représentation d’origines différentes dans la vie quotidienne, car les personnes d’origine autre qu’européenne sont symbolisées dans leur pays. Or au Luxembourg, il y énormément de personnes d’origine étrangère et elles sont bien présentes dans la vie quotidienne.

Le handicap n’est illustré que par une seule personne, en chaise roulante – soit le handicap le plus stéréotypé. La religion est symbolisée par deux religieuses catholiques et l’orientation sexuelle n’est pas du tout exposée. Si on applique la grille au nombre de représentations, les enfants ne peuvent donc pas se figurer de la diversité de notre société.

 

Q. Quel est le rôle de ces personnages ?

R. Le rôle des femmes est encore souvent lié à la famille. Quelques unes sont figurées au travail, mais elles sont institutrices, vendeuses, infirmières… Les métiers occupés par les hommes sont beaucoup plus diversifiés. Les petites filles quant à elles ont des longs cheveux, s’habillent en rose et jouent à la  poupée… une seule joue avec une moto ! 

Les garçons sont toujours plus espiègles, plus sportifs, plus téméraires. Les étrangers sont représentés dans leurs pays d’origine, en habits traditionnels, une grosse chanteuse noire chantant du blues, des sportifs de haut niveau ; on passe d’un extrême à l’autre. Si les seniors ne sont pas beaucoup représentés, la moitié d’entres eux le sont dans le cadre d’un emploi, dans des métiers dits indépendants : médecin, épicier,… L’autre moitié fait figure de grands parents. Ils sont représentés chauves – ou permanentées pour les femmes, grisonnants, voûtés, avec une canne…

 

Q. Quelles conclusions peut-on tirer de cette analyse ?

R. Lorsque nous avons vu les résultats, nous nous sommes aperçus que nous même avions nos propres stéréotypes puisqu’au départ nous avions l’impression que les manuels en étaient exempts. C’est important de savoir que chacun a des stéréotypes et d’en prendre conscience. Nous pouvons tous porter des jugements qui sont néfastes pour les personnes concernées, notamment dans leurs constructions identitaires. Comme c’est dans la petite enfance que se construisent ces stéréotypes, les autorités compétentes doivent agir afin que les manuels soient dépourvus de stéréotypes et représentent la société dans sa diversité. Ce serait intéressant qu’une étude puisse analyser tout le système.

 

L’étude est téléchargeable sur le site www.caritas.lu, rubrique publications.

  

En France, la HALDE à réalisée une étude sur la place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires de juin 2007 à mars 2008.

 

En transmettant des savoirs, les manuels scolaires proposent des représentations de la société. Ils peuvent véhiculer des représentations stéréotypées qui peuvent être à l’origine des discriminations. Cette étude a pour objectif d’une part, d’évaluer comment est traitée la question de l’égalité et des discriminations. D’autre part, elle s’attache à repérer la présence de stéréotypes renvoyant à des critères de discrimination comme l’origine, le sexe, le handicap, l’orientation sexuelle et l’âge.

 

L’étude souligne que la sensibilisation faite sur les discriminations dans les manuels d’instruction civique ne fait pas assez clairement le lien entre le principe d’égalité et la discrimination. D’autre part, la discrimination n’est pas toujours présentée comme un délit grave et pénalement puni.

 

Autre remarque : l’importance croissance accordée à l’image dans les manuels au détriment des textes conduit l’élève à établir seul certains liens. Privé de certaines informations, il peut alors rencontrer des difficultés d’accès à un apprentissage complet.

 

De manière générale, l’étude relève la présence de stéréotypes dans les manuels scolaires quelles que soient les disciplines enseignées y compris l’éducation civique.

L’image des hommes et des femmes continue de subir un traitement différencié moins valorisant pour les femmes.

 

Les personnes d’origines étrangères représentées sont montrées le plus souvent dans des situations dévalorisantes et/ou de pauvreté.

 

Le handicap est rarement évoqué.

 

Les seniors sont souvent associés à des représentations liées à la maladie et à la dégénérescence du corps. Ces représentations ne sont pas compensées par d’autres images positives sur leur rôle citoyen et leur apport dans la famille.

 

L’impasse est faite sur le sujet de l’orientation sexuelle.

 

 

 

 

Partager cette page
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :