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Diversité et non discrimination

L’immigration Luxembourgeoise aux Etats-Unis

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Les raisons d’une immigration

Durant le 19e siècle, on estime que pas moins d’un habitant sur quatre au Luxembourg a émigré vers les Etats-Unis ce qui pour un petit pays (6e plus petit pays au monde) a eu un impact fort important. 

En ce temps-là le Luxembourg est tout le contraire de ce qu’il est aujourd’hui: un pays pauvre dont l’activité économique principale est l’agriculture. La majorité de la population vit dans la pauvreté principalement due à des mauvaises moissons. Entre 1816 et 1854, le Luxembourg vit 5 périodes de famine et les conditions de pauvreté sont telles que les gens ne peuvent pas subsister sans une assistance. Du fait de ces conditions, des familles entières, et parfois des villages entiers, quittent la région du Grand Duché de Luxembourg dans l’espoir d’une vie meilleure. Les plus grandes vagues d’immigration se déroulent entre 1845 et 1892 où quelques 70.000 Luxembourgeois quittent le pays pour les Etats-Unis. 

Les autres facteurs de cette émigration massive sont une aversion pour le service militaire (éviter l’enrôlement dans une des armées d’occupation), la dissidence religieuse et avant 1870 le manque d’industrie pour absorber une population qui grandit. Paradoxalement cette période coïncide aussi avec la 1ère immigration d’ouvriers étrangers au Luxembourg pour travailler dans la sidérurgie alors en plein développement. Car ce sont surtout les régions rurales qui désertent: le Nord du pays, la vallée de la Moselle et la région autour d’Arlon qui correspond aujourd’hui à la Province du Luxembourg. Cette dernière région qui depuis la Révolution Belge de 1839 et l’Indépendance du Luxembourg a été rattachée à la Belgique et dont beaucoup d’habitants parle la langue luxembourgeoise.   

Avant 1858 la plupart des habitants qui émigrent sont donc les petits paysans, puis plus tard aussi les artisans qui tous ne veulent pas travailler dans la sidérurgie mais cultiver de la terre. Et de la terre, il y en a beaucoup aux Etats-Unis. Elle est bon marché comme le montre certaines publicités qui font leur apparition en Europe, entre autres au Luxembourg. Le gouvernement américain ouvre de plus en plus ses territoires vers l’ouest, enlevant la terre aux Indiens et attirant les émigrés européens pour les peupler. De plus en plus d’Etats sont fondés: Minnesota, Wisconsin, Ohio...  Le phénomène de l’émigration vers les Etats-unis ne concerne bien sûr pas seulement le Luxembourg mais bien toute l’Europe Centrale durant cette période: 179.000 Néerlandais, 112.000 Belges, mais aussi des millions d’Allemands, d’Irlandais et de Scandinaves vont refaire leur vie aux Etats-Unis.

 

Le voyage 

Poussés par le désespoir les émigrés luxembourgeois entament donc leur voyage vers les Etats-Unis, un périple long et risqué. Tous savent qu’ils vont quitter leur patrie pour de bon. Ils vendent donc ce qui leur reste de terres et tout ce qu’ils ne peuvent pas transporter vers le Nouveau Monde. On peut aisément imaginer le déchirement que ces émigrés ont dû ressentir en disant adieu aux membres de la famille et amis restés au pays. Beaucoup n’avaient jamais quitté leur région et entament la route, d’abord vers Anvers ou Brême, les principaux ports d’où partent les Luxembourgeois. Là ils embarquent sur un bateau pour une traversée de l’Atlantique qui peut durer de 4 à 12 semaines dépendant des conditions météorologiques.   

La grande majorité des émigrants luxembourgeois n’ont pas les moyens de voyager en 1ère classe. Ils logent dans les étages inférieurs du bateau souvent dans des conditions hygiéniques exécrables. Certains payent le voyage en travaillant sur le bateau durant tout le voyage. Il n’est pas rare que les personnes les plus fragiles, comme les personnes âgées ou les nouveaux-nés, meurent de maladie durant la traversée. Pour des raisons d’hygiène les corps sont alors jetés en mer ce qui aggrave encore plus le chagrin des familles souvent très pieuses.

 

L’arrivée aux Etats-Unis

Les bateaux arrivent principalement dans les ports de New York et de Boston. La large majorité des immigrés luxembourgeois ne passe pas par Ellis Island, qui n’ouvre qu’en 1892 mais par Castle Clinton à Manhattan où les conditions d’entrée sont moins dures qu’elles ne le seront plus tard à Ellis Island. Certains achètent à New York des terres dans le Middle West avant même de les avoir vues.  

La grande majorité des Luxembourgeois continue vers l’Ouest principalement en direction du Wisconsin, de l’Iowa, du Minnesota et de l’Illinois en passant le plus souvent par Chicago. Ceux qui n’ont plus le courage de continuer la route s’installent à Chicago alors en plein essor.

 

L’implantation des nouveaux immigrants

Au Minnesota les Luxembourgeois sont parmi les premiers immigrés à s’implanter et ce avant 1860. En 1880, plus de 7.000 Luxembourgeois vivent au Minnesota. Les raisons principales qui poussent les immigrants à acquérir des terres dans le Middle West sont le fait qu’elles sont libres, bons marchés et elles possèdent un grand potentiel pour l’agriculture. Toutes ces terres « appartenaient » aux Indiens qui ont dû les quitter ou qui ont été contraints de les vendre. Les Indiens parqués dans leurs réserves, les colonisateurs blancs ont le champ libre pour s’installer. Néanmoins les premières familles luxembourgeoises, arrivant au Minnesota, vivent encore la cohabitation avec les Indiens, dans un esprit de bon voisinage comme en témoignent plusieurs écrits.   

Hubert Hansen, de parents nés au Luxembourg, est le premier blanc à naître sur le territoire de Stears County au Minnesota. Les Indiens viennent lui rendre hommage, curieux de voir ce bébé blanc. L’adaptation pour les immigrés est très difficile au début. Les premiers immigrés à arriver dans ces nouveaux Etats vivent des conditions réellement primitives. Dès leur arrivée les familles pionnières se concentrent directement sur les problèmes de nourriture et d’abri avant que l’hiver ne paralyse toute progression dans la nature. Avant de pouvoir construire une maison, certains d’entre eux vivent dans des abris de boue creusés dans le sol, appelés gopher hole.  

Pour beaucoup d’entre eux la subsistance reste dure jusqu’à ce que des terres cultivables et les premières moissons arrivent. Les familles d’immigrés qui suivent et s’installent dans ces communautés pionnières dans les décennies à venir profiteront de ce que les premiers immigrants auront construits. 

Les Luxembourgeois sont d’excellents agriculteurs. A force de travail, ils ont participé au développement de leur propre richesse, celle de leur village et celle de la région. En comparaison avec le Luxembourg, ils sont devenus de grands propriétaires. Ils doivent s’adapter à l’étendue de leurs nouvelles terres. La solidarité dans le travail est très grande. Ils savent qu’ils ne peuvent subsister qu’en formant une communauté unie. Le travail est très dur, les conditions climatiques aussi. Cela leur demande beaucoup de temps, d’énergie et de moyens financiers. Beaucoup d’entre eux ont atteint le but de réussite dont ils avaient rêvé pendant leur traversée vers les Etats-Unis. Ils vivent leur rêve américain. Les communautés luxembourgeoises deviennent des communautés qui tiennent ensemble et qui sont dépendantes de leurs propres ressources humaines et sociales. Ainsi dans certaines implantations, il n’y a pas eu de mariage mixte hors des familles luxembourgeoises pendant plus de 90 ans.  

 

Religion

Dans le Middle West, et plus particulièrement dans les communautés luxembourgeoises, la vie sociale gravite autour de l’église. L’isolation des fermiers est pratiquement complète – les différentes fermes sont distantes de plusieurs miles - et souvent insoutenable. La religion, surtout au début, leur permet de surmonter les années de difficultés du début de l’immigration mais aussi le mal du pays et la solitude. La démonstration de la ferveur religieuse des Luxembourgeois est le grand nombre d’églises construites dans leurs implantations. Le Luxembourgeois est fier de son héritage: les pèlerinages, les processions religieuses, les associations... Leur religiosité est conservatrice, sévère et traditionnelle. Ils ne craignent pas de marcher plusieurs miles dans un hiver glacial pour se rendre à l’église le dimanche. Cette ferveur est un prolongement de leurs traditions du pays natal.   

Devant la pluralité de la société américaine de l’époque, beaucoup de Luxembourgeois de la 1ère et 2e génération ont besoin de la religion et des traditions pour se protéger du monde extérieur qui leur fait peur. Toutes les implantations luxembourgeoises importantes offrent, avec leurs complexes d’églises et d’écoles, une sécurité psychologique aux habitants. La religion permet en outre de préserver les valeurs culturelles luxembourgeoises. 

Dans certaines régions, où ils sont en majorité, c’est les Luxembourgeois qui influencent les autres cultures (allemandes, irlandaises ou scandinaves) plutôt que le contraire. Que ce soit dans l’utilisation de la langue luxembourgeoise, dans la tenue vestimentaire ou les jours de repos, qui dans certaines régions sont appliqués par les protestants selon les fêtes catholiques luxembourgeoises. Ce n’est qu’à partir de la deuxième génération qu’ils s’ouvrent un peu plus vers l’extérieur.  

 

Les tavernes 

 

Autant que dans les églises, c’est aussi dans les tavernes, les saloons, que se déroule la vie sociale dans les implantations luxembourgeoises. Comme au Luxembourg et leurs voisins belges et allemands, les immigrés luxembourgeois aiment boire un coup après le travail. C’est aussi l’endroit où on se retrouve le dimanche après la messe tandis que les femmes vont faire les courses au grocery store qu’on retrouvait souvent dans le même bâtiment que les tavernes. Le saloon est l’endroit où les hommes aiment se retrouver pour discuter politique et météo et y faire leurs affaires. On peut y parler librement ce qui n’est pas toujours le cas dans le quotidien de ces implantations. Les tavernes se trouvent pour la plupart à des points stratégiques comme les intersections, les voies ferrées ou à proximité des églises. Les tavernes, comme encore aujourd’hui au Luxembourg, faisaient partie de la culture luxembourgeoise.  

 

Appartenance ethnique

Mis à part quelques exceptions, les Luxembourgeois ne s’implantent pas auprès des Belges wallons ou des Néerlandais. On les retrouve plus facilement aux côtés des Belges germaniques de la Province de Luxembourg ou les Catholiques allemands. Ils construisent ensemble des églises et ont les mêmes prêtres de langue allemande.  

Beaucoup de Luxembourgeois intègrent à ce moment-là dans leur identité une relation forte avec l’Allemagne. Cela s’explique par le fait qu’au temps des premiers immigrés luxembourgeois aux Etats-Unis, la nation luxembourgeoise n’existe que depuis quelques années. Malgré une indépendance difficilement acquise, le sentiment d’appartenir à une nation n’est pas développé à ce moment-là. L’identification avec la “nouvelle” nation luxembourgeoise est difficile pour la plupart des habitants.

 

Ce n’est qu’avec l’anniversaire du centenaire de la Nation et l’Occupation nazie durant la 2e Guerre Mondiale qu’une véritable appartenance nationale commence à naître au Luxembourg. Ce sentiment pro allemand s’explique aussi par le fait qu’un très grand nombre d’immigrants luxembourgeois - aussi ceux de la Province de Luxembourg - parlent allemand plutôt que français, qui est la langue de l’élite sociale. Ils intègrent donc à ce moment-là dans leur identité une relation avec l’Allemagne. Certains immigrants s’inscrivent même à leur arrivée aux Etats-Unis comme Luxemburg, Germany. Cette appartenance affirmée envers l’Allemagne se retrouve aussi dans les journaux luxembourgeois édités aux Etats-Unis.

 

La langue 

La première génération d’immigrés a des problèmes avec l’anglais, surtout ceux qui sont arrivés à un âge plus avancé. Il n’est pas facile pour eux de communiquer dans une nouvelle langue. De ce fait la langue luxembourgeoise est fortement parlée dans les implantations jusqu’à la fin de la 2e Guerre Mondiale. Le début du siècle affiche même le zénith de l’identité luxembourgeoise. La population d’immigrés luxembourgeois a quadruplé durant cette période au Minnesota.  

On parle luxembourgeois en permanence alors qu’on est déjà à la troisième ou la quatrième génération. L’anglais est la deuxième langue et on étudie l’allemand dans les écoles paroissiales et même à l’école primaire jusqu’en 1915.  

C’est surtout pendant la seconde Guerre Mondiale que les choses changent. Durant cette période il est mal vu aux Etats-Unis de parler l’allemand ou le luxembourgeois et les gens commencent à délaisser de plus en plus ces langues. De plus les parents se rendent compte que l’usage de l’anglais est primordial pour l’intégration de leurs enfants et finissent par ne plus parler que l’anglais. L’isolement des communautés luxembourgeoises commence à disparaître. L’université et l’armée commencent à les mélanger à d’autres croyances et cultures. 

L’anglais maintenant omniprésent fait tomber les difficultés qu’ils pouvaient éprouver envers la langue. Presque 170 ans après les premiers immigrés, la langue luxembourgeoise est toujours vivante dans certaines familles aux Etats-Unis (beaucoup plus que l’allemand ou le néerlandais) et la survie de la langue sur une si longue période n’a pas empêché l’intégration des Luxembourgeois d’Amérique. Aujourd’hui ce sont surtout les plus de 70 ans qui parlent encore mais elle tend à disparaître.

 

Disparition de l’héritage 

La chute de l’immigration luxembourgeoise après 1920 (dû à la Dépression et à la 2e Guerre Mondiale) et le désintérêt des jeunes générations pour la culture et les traditions de leurs parents et grands-parents rendent de plus en plus difficile pour les Luxembourgeois d’Amérique de maintenir une activité ethnique importante, contrairement à d’autres communautés. Avec de moins en moins de Luxembourgeois de souche qui immigrent aux Etats-Unis, le travail de préserver les traditions et la culture du pays incombe sur les frêles épaules des Luxembourgeois de ces implantations.   

Malgré les efforts de certaines communautés, la culture et les traditions luxembourgeoises vont disparaître bientôt. Ces colonies luxembourgeoises aux Etats-Unis ont néanmoins prouvé une chose: l’existence d’une identité luxembourgeoise propre. En effet ces immigrés se sont réunis tout naturellement et sans gouvernance politique en une communauté soudée, alors que dans le pays d’origine ce sentiment d’appartenir à une nation et une culture propre ne commençait qu’à s’éveiller.

                                                                                                                                               

 Fin. 

source de l'article : Luxemburg, USA © Nowhere Land Productions - Les Films de la Mémoire - CNA - Télésparks – Luxembourg et Grande Région Capitale Culturelle de l'Europe 2007

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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